18

 

Si seulement l’Insondable n’était pas apparu à ce moment-là, apportant une menace qui poussa les hommes au désespoir, dans leurs actes comme dans leurs croyances.

 

Description : 036

 

— Tuez-le, murmura Dieu.

Zane flottait en silence parmi les brumes, regardant à travers la porte ouverte du balcon d’Elend Venture. Les brumes tournoyaient autour de lui, le masquant à la vue du roi.

— Vous devez le tuer, répéta Dieu.

D’une certaine façon, Zane détestait Elend, bien qu’il ne l’ait jamais rencontré avant ce jour-là. Elend était tout ce que Zane aurait dû être. Favorisé. Privilégié. Choyé. Il était l’ennemi de Zane, un obstacle sur la route de la domination, l’élément qui empêchait Straff – et Zane, par conséquent – de régner sur le Dominat Central.

Mais il était également le frère de Zane.

Ce dernier se laissa tomber à travers les brumes et atterrit en silence devant le Bastion Venture. Il attira dans sa main ses points d’ancrage – trois petites barres sur lesquelles il prenait appui pour se maintenir en place. Vin reviendrait bientôt et il ne voulait pas être à proximité du bastion quand elle le ferait. Elle avait l’étrange capacité de savoir où il se trouvait ; ses sens étaient bien plus aiguisés que ceux de tous les allomanciens qu’il ait connus ou combattus. Bien entendu, elle avait été formée par le Survivant en personne.

J’aurais aimé le connaître, songea Zane tandis qu’il traversait la cour sans un bruit. C’était un homme qui comprenait le pouvoir propre aux Fils-des-brumes. Un homme qui ne se laissait pas contrôler par les autres.

Un homme qui savait ce qui devait être fait, aussi impitoyable que ça puisse paraître. Du moins les rumeurs l’affirmaient-elles.

Zane s’arrêta devant le mur externe du bastion, en dessous d’un contrefort. Il se pencha pour soulever un pavé et trouva le message qu’y avait laissé son espion infiltré dans le palais d’Elend. Zane s’en empara, replaça le pavé, puis laissa tomber une pièce et s’élança dans la nuit.

 

Zane ne se déplaçait jamais furtivement. Pas plus qu’il ne rôdait, ne rampait ou ne se tapissait. En fait, il n’aimait pas se cacher.

Ce fut donc d’un pas déterminé qu’il approcha du camp militaire des Venture. Il avait l’impression que les Fils-des-brumes passaient une partie beaucoup trop grande de leur existence à se cacher. De fait, l’anonymat offrait une liberté limitée. L’expérience lui avait appris toutefois qu’il les entravait bien plus qu’il ne les libérait. Il les obligeait à devoir se surveiller, et poussait la société à faire comme s’ils n’existaient pas.

Zane se dirigea à grands pas vers une guérite, où deux soldats étaient assis près d’un grand feu. Il secoua la tête ; aveuglés par la lueur des flammes, ils étaient quasiment inutiles. Les hommes ordinaires craignaient les brumes, ce qui les rendait inefficaces. Ce n’était pas de l’arrogance ; rien qu’un simple fait. Les allomanciens étaient plus puissants, et donc plus précieux, que les hommes ordinaires. C’était pour cette raison que Zane avait également posté des Yeux-d’étain dans le noir pour monter la garde. Ces soldats ordinaires représentaient davantage une formalité qu’autre chose.

— Tuez-les, ordonna Dieu tandis que Zane approchait de la guérite.

Zane ignora la voix, bien qu’il lui devienne de plus en plus difficile d’y parvenir.

— Halte ! cria l’un des gardes en abaissant sa lance. Qui va là ?

Zane écarta la lance d’une Poussée désinvolte sur la pointe.

— Qui d’autre voudriez-vous que ce soit ? lâcha-t-il d’un ton cassant en s’avançant à la lueur des flammes.

— Lord Zane ! dit l’autre soldat.

— Convoquez le roi, ordonna Zane en passant devant la guérite. Dites-lui de me retrouver dans la tente de commandement.

— Mais, milord, protesta le garde, il est tard. Sa Majesté doit…

Zane se retourna vers le garde pour lui décocher un regard noir. Les brumes tourbillonnèrent entre eux. Zane n’eut même pas besoin de recourir à l’allomancie émotionnelle sur le soldat ; l’homme se contenta de le saluer, puis de s’éloigner docilement dans la nuit.

Zane traversa le camp à grands pas. Il ne portait ni uniforme ni cape de brume, mais les soldats s’arrêtaient pour le saluer sur son passage. C’était ainsi que devaient se passer les choses. Ils le connaissaient, savaient ce qu’il était, et le respectaient pour cette raison.

Et pourtant, une partie de lui reconnaissait qu’il ne serait peut-être pas l’arme puissante qu’il était aujourd’hui si Straff n’avait caché l’existence de son fils bâtard. Ce secret avait obligé Zane à mener une vie de quasi-misère tandis que son demi-frère, Elend, connaissait les privilèges. Mais il avait également permis à Straff de cacher Zane la majeure partie de sa vie. Aujourd’hui encore, malgré les rumeurs croissantes concernant l’existence du Fils-des-brumes enfanté par Straff, peu de gens comprenaient que Zane était son fils.

Par ailleurs, la vie rude qu’il avait menée lui avait appris à survivre seul. Il était devenu dur, et puissant. Autant de choses qu’Elend ne comprendrait sans doute jamais. Malheureusement, l’un des effets secondaires de son enfance était de l’avoir apparemment rendu fou.

— Tuez-le, murmura Dieu tandis que Zane dépassait un autre garde.

La voix lui parlait chaque fois qu’il voyait quelqu’un – c’était le compagnon discret et omniprésent de Zane. Il était conscient de sa propre folie. L’un dans l’autre, il n’avait pas eu grand mal à s’en rendre compte. Les gens ordinaires n’entendaient pas de voix. Zane, si.

Toutefois, la folie n’excusait pas à ses yeux les comportements irrationnels. Certains hommes étaient aveugles, d’autres possédaient un mauvais caractère. D’autres encore entendaient des voix. Tout ça revenait au même, en fin de compte. Un homme n’était pas défini par ses défauts, mais par la façon dont il les maîtrisait.

Zane ignorait donc la voix. Il tuait quand il le voulait, pas quand elle le lui ordonnait. De son point de vue, il avait plutôt de la chance. D’autres fous avaient des visions, ou ne parvenaient pas à distinguer leurs illusions de la réalité. Lui au moins arrivait à se contrôler.

La plupart du temps.

Il exerça une Poussée sur les fermoirs métalliques des rabats de la tente de commandement. Les rabats se soulevèrent pour lui tandis que les soldats situés des deux côtés le saluaient. Zane se pencha pour entrer dans la tente.

— Milord ! dit l’officier qui commandait à l’équipe de nuit.

— Tuez-le, dit Dieu. Il n’est pas si important que ça.

— Papier, ordonna Zane en s’approchant de la grande table.

L’officier s’exécuta aussitôt et lui fournit une pile de papier. Zane s’empara d’une plume, d’une Traction sur le bec, et lui fit traverser la pièce pour atterrir dans sa main tendue. L’officier apporta l’encre.

— Voici les concentrations des troupes et les patrouilles nocturnes, déclara Zane en griffonnant quelques chiffres et schémas sur le papier. Je les ai observés ce soir, pendant que je me trouvais à Luthadel.

— Excellent, milord, répondit le soldat. Nous apprécions votre aide.

Zane hésita. Puis il se remit à écrire lentement.

— Soldat, vous n’êtes pas mon supérieur. Ni même mon égal. Je ne suis pas en train de vous « aider ». Je subviens aux besoins de mon armée. Compris ?

— Bien entendu, milord.

— Parfait, répondit Zane en terminant ses notes avant de tendre la page au soldat. Maintenant, filez – ou je ferai ce qu’un ami me conseillait, à savoir vous planter cette plume dans la gorge.

Le soldat accepta le papier, puis se retira très vite. Zane attendit impatiemment. Straff n’arrivait pas. Enfin, Zane jura tout bas et ouvrit d’une Poussée les rabats de la tente pour en sortir d’un pas vif. La tente de Straff dessinait une balise rouge vif dans la nuit, bien éclairée par de nombreuses lanternes. Zane dépassa les gardes, qui eurent le bon sens de ne pas le déranger, et entra dans la tente du roi.

Straff prenait un dîner tardif. C’était un homme de grande taille, aux cheveux bruns comme ses deux fils – du moins, les deux importants. Il avait des mains délicates d’aristocrate, dont il se servait pour manger avec affectation. Il ne réagit pas lorsque Zane entra.

— Tu es en retard, commenta Straff.

— Tuez-le, dit Dieu.

Zane serra les poings. De tous les ordres donnés par cette voix, c’était le plus difficile à ignorer.

— Oui, répondit-il. Je suis en retard.

— Que s’est-il passé ce soir ? demanda Straff.

Zane jeta un coup d’œil aux serviteurs.

— Nous devrions nous entretenir dans la tente de commandement.

Straff continua à déguster sa soupe sans se lever, sous-entendant ainsi que Zane n’était pas en position de lui donner des ordres. C’était frustrant, mais guère inattendu. Zane avait employé une tactique fort semblable sur l’officier quelques instants plus tôt. Il avait été à bonne école.

Enfin, Zane soupira et prit un siège. Il posa les bras sur la table et fit distraitement tournoyer un couteau tout en regardant manger son père. Un serviteur s’approcha de Zane pour lui demander s’il voulait un repas, mais il le congédia d’un signe.

— Tuez Straff, ordonna Dieu. Vous devriez être à sa place. Vous êtes plus fort que lui. Plus compétent.

Mais pas aussi sain d’esprit, songea Zane.

— Alors ? demanda Straff. Est-ce qu’ils possèdent ou non l’atium du Seigneur Maître ?

— Je ne sais pas trop, répondit Zane.

— Est-ce que cette fille vous fait confiance ?

— Elle commence. Je l’ai effectivement vue utiliser de l’atium, une seule fois, alors qu’elle combattait les assassins de Cett.

Straff hocha la tête, songeur. Il était effectivement très habile ; grâce à lui, le Dominat Boréal avait échappé au chaos qui régnait dans le reste de l’Empire Ultime. Les skaa de Straff demeuraient sous contrôle, et ses nobles respectaient son autorité. D’accord, il avait été contraint d’exécuter un certain nombre de personnes pour prouver que c’était lui qui commandait. Mais il avait fait ce qui était nécessaire. C’était là une qualité que Zane appréciait par-dessus tout chez les gens.

Surtout dans la mesure où il avait lui-même du mal à l’afficher.

— Tuez-le ! hurla Dieu. Vous le détestez ! Il vous a contraint à la misère, vous a obligé à vous battre pour survivre quand vous étiez enfant.

Il m’a rendu fort, pensa Zane.

— Alors employez cette force pour le détruire !

Zane s’empara du couteau à découper sur la table. Straff leva les yeux de son assiette, puis tressaillit très légèrement en voyant Zane entailler la chair de son propre bras. Il ouvrit une longue entaille dans le haut de son avant-bras pour en faire couler le sang. La douleur l’aidait à résister à cette voix.

Straff l’observa un moment, puis fit signe à un serviteur d’apporter une serviette à Zane pour éviter qu’il tache le tapis.

— Tu dois la pousser à utiliser de nouveau de l’atium, reprit Straff. Elend a peut-être réussi à en réunir une ou deux billes. Nous ne saurons la vérité que si elle tombe à court. (Il s’interrompit pour reprendre son repas.) En réalité, ce que tu dois faire, c’est la pousser à te dire où est cachée la réserve, à supposer qu’ils l’aient.

Zane s’assit et regarda le sang suinter de l’entaille à son avant-bras.

— Elle est plus douée que tu ne le penses, père.

Straff haussa un sourcil.

— Ne me dis pas que tu crois à ces histoires, Zane ? À ces mensonges sur elle et le Seigneur Maître ?

— Comment sais-tu que ce sont des mensonges ?

— À cause d’Elend, répondit Straff. Ce garçon est un idiot ; il ne contrôle Luthadel que parce que tous les nobles ayant un tant soit peu de cervelle ont fui la ville. Si cette fille était assez puissante pour vaincre le Seigneur Maître, ton frère ne serait certainement pas parvenu à gagner sa loyauté.

Zane ouvrit une nouvelle entaille dans son bras. Il ne coupa pas assez profondément pour s’infliger de réels dégâts, et la douleur produisit l’effet habituel. Straff reprit enfin son repas, masquant son malaise. Une petite partie tordue de Zane prenait plaisir à lire cette expression dans le regard de son père. Peut-être était-ce un effet secondaire de sa folie.

— Enfin bref, reprit Straff, as-tu rencontré Elend ?

Zane hocha la tête. Il se tourna vers une servante.

— Du thé, dit-il en agitant son bras indemne. Elend était surpris. Il voulait te rencontrer, mais il n’aimait visiblement pas l’idée de pénétrer dans ton camp. Je doute qu’il vienne.

— Possible, répondit Straff. Mais ne sous-estime pas la stupidité de ce garçon. Dans tous les cas, peut-être comprend-il maintenant comment notre relation va évoluer.

Que d’affectation, songea Zane. En envoyant ce message, Straff affichait une position très claire : il ne comptait pas se laisser commander, ni même incommoder par Elend.

Mais te voir contraint à un siège t’a bel et bien incommodé, songea Zane en souriant. Ce que Straff aurait voulu faire, c’était prendre la ville sans pourparlers ou négociations. Ce qu’empêchait l’arrivée de la seconde armée. Si Straff attaquait maintenant, il serait vaincu par Cett.

Ce qui imposait d’attendre, en conditions de siège, jusqu’à ce qu’Elend entende raison et s’allie de lui-même à son père. Mais Straff détestait attendre. Zane, lui, s’en moquait bien. Ça lui donnerait plus de temps pour se battre en duel avec la jeune fille. Il sourit.

Tandis que le thé arrivait, Zane ferma les yeux puis brûla de l’étain pour affiner ses sens. Ses plaies s’animèrent brusquement et des douleurs insignifiantes devinrent plus violentes, l’éveillant sous l’effet du choc.

Il taisait à Straff une grande partie de ces choses-là. Elle commence à me faire confiance, se dit-il. Et il y a autre chose que je perçois chez elle. Elle est comme moi. Peut-être… qu’elle pourrait me comprendre.

Peut-être qu’elle pourrait me sauver.

Il soupira, ouvrit les yeux et nettoya son bras à l’aide de la serviette. Parfois, sa propre folie l’effrayait. Mais elle semblait moins forte en présence de Vin. C’était tout ce à quoi il pouvait s’accrocher pour l’heure. Il accepta le thé que lui tendait la servante – longue tresse, poitrine ferme, traits dépourvus de charme – et prit une gorgée de cannelle brûlante.

Straff leva sa propre coupe puis hésita, reniflant délicatement. Il mesura Zane du regard.

— Du thé empoisonné, Zane ?

Zane ne répondit rien.

— Et de la bétuliane, aussi, observa Straff. C’est effroyablement peu original de ta part.

Zane ne répondit rien.

Straff décrivit un geste tranchant de la main. La jeune fille leva des yeux terrifiés tandis que l’un des gardes de Straff s’avançait vers elle. Elle regarda Zane, comme pour attendre une aide de sa part, mais il se contenta de détourner le regard. Elle hurla pitoyablement tandis que le garde l’entraînait pour l’exécuter.

Elle voulait profiter de l’occasion pour le tuer, songea-t-il. Je lui ai dit que ça ne marcherait sans doute pas.

Straff se contenta de secouer la tête. Bien qu’il ne soit pas Fils-des-brumes, le roi était un Œil-d’étain. Toutefois, même pour quelqu’un qui possédait ce talent, flairer la bétuliane malgré la cannelle était un exploit impressionnant.

— Zane, Zane…, déclara Straff. Que ferais-tu si tu arrivais bel et bien à me tuer ?

Si je voulais réellement le faire, songea Zane, je me servirais d’un couteau, pas de poison. Mais il laissa Straff croire ce qu’il voulait. Le roi s’attendait à des tentatives d’assassinat. Zane les lui fournissait donc.

Straff éleva quelque chose vers lui – une petite bille d’atium.

— J’allais te donner ceci, Zane. Mais je vois que nous allons devoir attendre. Tu dois en finir avec ces attentats idiots contre ma personne. Si tu réussissais, où te procurerais-tu ton atium ?

Straff ne comprenait pas, bien entendu. Il croyait que l’atium fonctionnait comme une drogue et supposait que les Fils-des-brumes prenaient plaisir à en consommer. Il croyait par conséquent pouvoir contrôler Zane par ce biais. Zane le laissait persister dans ce malentendu, sans jamais lui expliquer qu’il possédait sa propre réserve de ce métal.

Voilà toutefois qui le plaçait face à la réelle question qui dominait sa vie. Les murmures de Dieu étaient de retour, à présent que la douleur s’estompait. Et de tous les gens dont parlait la voix, Straff Venture était celui qui méritait le plus de mourir.

— Pourquoi ? demandait Dieu. Pourquoi refusez-vous de le tuer ?

Zane baissa les yeux vers ses pieds. Parce qu’il est mon père, songea-t-il, admettant enfin sa faiblesse. D’autres hommes faisaient ce qui était nécessaire. Ils étaient plus forts que Zane.

— Tu es fou, Zane, dit Straff.

Zane leva la tête.

— Tu crois vraiment que tu parviendrais à conquérir l’Empire toi-même si tu me tuais ? Compte tenu de ta… maladie particulière, tu crois que tu serais même capable de diriger une ville ?

Zane détourna le regard.

— Non.

Straff hocha la tête.

— Je suis ravi que nous le comprenions tous deux.

— Vous devriez vous contenter d’attaquer, dit Zane. Nous trouverons l’atium une fois que nous contrôlerons Luthadel.

Straff sourit, puis but une gorgée de thé. Du thé empoisonné.

Malgré lui, Zane sursauta et se redressa.

— Ne te permets pas de croire que tu sais ce que je prépare, Zane, dit Straff. Tu es loin de comprendre autant de choses que tu le crois.

Zane garda le silence, tout en regardant son père finir son thé.

— Et ton espion ? demanda Straff.

Zane posa le mot sur la table.

— Il craint qu’on le suspecte. Il n’a trouvé aucune information concernant l’atium.

Straff hocha la tête et reposa la tasse vide.

— Tu vas retourner en ville et continuer à amadouer cette fille.

Zane hocha lentement la tête, puis se retourna et quitta la tente.

 

Straff avait l’impression de sentir déjà l’effet de la bétuliane qui s’infiltrait dans ses veines et le faisait trembler. Il s’obligea à rester maître de lui. Attendit quelques instants.

Lorsqu’il fut certain que Zane s’était éloigné, il appela un garde.

— Amenez-moi Amaranta ! ordonna-t-il. Tout de suite !

Le soldat s’empressa d’exécuter les ordres de son maître. Straff resta assis en silence, tandis que l’air nocturne faisait bruire la tente et qu’une bouffée de brume flottait sur le sol là où le rabat avait été ouvert. Il brûla de l’étain pour affiner ses sens. Oui… Il sentait le poison en lui. Qui émoussait ses nerfs. Mais il avait le temps. Une bonne heure, peut-être. Il se détendit donc.

Pour un homme qui affirmait ne pas vouloir tuer Straff, Zane déployait de gros efforts à cette fin. Heureusement, Straff possédait un outil dont Zane lui-même ignorait l’existence – sous la forme d’une femme. Straff sourit lorsque ses oreilles affinées par l’étain entendirent des pas étouffés approcher dans la nuit.

Les soldats firent directement entrer Amaranta. Straff n’avait pas emmené toutes ses maîtresses avec lui lors de ce voyage – simplement ses dix ou quinze favorites. Mais à celles avec lesquelles il couchait actuellement se mêlaient quelques femmes qu’il gardait pour leur efficacité davantage que pour leur beauté. Amaranta en était un bon exemple. Elle avait été très séduisante dix ans plus tôt, mais approchait à présent de la trentaine. Ses seins avaient commencé à s’affaisser suite à ses grossesses et Straff remarquait, chaque fois qu’il la regardait, les rides qui apparaissaient sur son front et autour de ses yeux. Il se débarrassait de la plupart des femmes bien avant qu’elles n’atteignent son âge.

Celle-ci possédait toutefois des talents utiles. Si Zane apprenait que Straff avait fait venir cette femme cette nuit-là, il supposerait que Straff voulait simplement coucher avec elle. Il se tromperait.

— Milord, dit Amaranta en s’agenouillant, avant d’entreprendre de se dévêtir.

Eh bien, quel optimisme, songea Straff. Il aurait cru qu’après quatre ans sans être appelée dans son lit, elle en aurait tiré des conclusions. Certaines femmes ne comprenaient-elles pas quand elles devenaient trop vieilles pour séduire ?

— Gardez vos habits, lâcha-t-il d’un ton cassant.

Le visage d’Amaranta s’affaissa et elle posa les mains sur ses genoux, laissant sa robe à moitié défaite qui lui dévoilait un sein – comme si elle cherchait à le tenter par sa nudité vieillissante.

— J’ai besoin de votre antidote, dit-il. Et vite.

— Lequel, milord ? demanda-t-elle.

Elle n’était pas la seule herboriste qu’employait Straff ; il apprenait les goûts et les parfums auprès de quatre personnes différentes. Mais Amaranta était la meilleure.

— De la bétuliane, répondit Straff. Et… peut-être autre chose. Je ne sais pas trop.

— Encore une potion générale, dans ce cas, milord ? demanda Amaranta.

Straff hocha sèchement la tête. Amaranta se leva pour rejoindre le cabinet où elle rangeait ses potions. Elle alluma le brûleur placé à côté, fit bouillir une petite marmite d’eau tandis qu’elle mélangeait hâtivement les poudres, herbes et liquides. Cette concoction était sa spécialité : un mélange de tous les contrepoisons, remèdes et réactifs de base de son répertoire. Straff soupçonnait Zane d’avoir employé la bétuliane pour masquer autre chose. Mais quoi que ça puisse être, la préparation d’Amaranta s’en occuperait – ou du moins, l’identifierait.

Straff attendit, mal à l’aise, tandis qu’Amaranta s’affairait, toujours à moitié nue. Le mélange nécessitait d’être préparé à partir de zéro chaque fois, mais l’attente en valait la peine. Enfin, elle lui apporta une tasse fumante. Straff la vida d’un coup, s’obligeant à finir l’âpre liquide malgré son amertume. Il commença aussitôt à se sentir mieux.

Il soupira – encore un piège d’évité – tout en vidant le reste de la tasse par sécurité. Amaranta s’agenouilla de nouveau, pleine d’espoir.

— Allez-vous-en, lui ordonna Straff.

Acquiesçant en silence, elle enfila de nouveau la manche de sa robe puis se retira de la tente.

Straff fulminait tandis que sa tasse vide refroidissait dans sa main. Il savait qu’il gardait l’avantage. Tant qu’il paraissait fort devant Zane, le Fils-des-brumes continuerait à exécuter ses ordres.

Enfin, sans doute.

Le puits de l'ascension
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